Tracking e-mail : Généralités (1/3)

Dans le cadre d’une veille technologique pour un de nos clients publics, nous avons étudié le sujet du tracking e-mail. Il s’agit d’avoir un suivi de la lecture des newsletters envoyés à des tiers. L’article suivant constitue la 1ère partie sur les généralités.

1. Introduction

1.1. Présentation du domaine étudié

Les newsletters sont aujourd’hui un moyen efficace de diffusion de l’information aux collaborateurs. Il est cependant important d’avoir le retour des lecteurs quant à la pertinence du contenu. Beaucoup de lettres d’information sont aujourd’hui des condensés d’articles avec des liens qui dirigent vers l’intégralité du contenu. En supposant que les lecteurs cliquent sur les liens vers les articles qui les intéressent, il est possible de collecter et analyser ces données de connexion pour connaître de manière très objective les centres d’intérêt des destinataires des lettres d’information.

Le tracking regroupe de manière générale un ensemble de procédés qui permettent de collecter les données générées par la navigation sur Internet. Le but est de comprendre le comportement des internautes et d’optimiser l’utilisation d’un site Web.

1.2. Cas d’usage

Le fonctionnement d’un outil de tracking est le suivant :

  • Un destinataire reçoit et consulte la newsletter dans sa boîte de messagerie.
  • Il clique sur un article qui l’intéresse. L’outil de tracking détecte le clic et incrémente le nombre de vues pour le lien correspondant.

Pour simplifier, l’outil ne différencie pas les utilisateurs : une personne qui clique plusieurs fois sur un lien, va générer un nombre équivalent de nombre de vues.

  • Le destinataire est redirigé de manière transparente vers le lien contenant l’article qui l’intéresse.
  • L’organisation peut à tout moment consulter l’ensemble des statistiques (nombre de consultations pour chaque lien internet) générées par l’outil de tracking.

Ceux-ci doivent pouvoir être exportés facilement.

2. Le tracking

2.1. Historique

Le tracking ou web analytics en anglais consiste à recueillir et analyser le comportement de l’internaute ou du destinataire d’un média numérique.

Au début des années 90, les premiers outils de tracking utilisaient les fichiers de log serveurs pour mesurer la popularité d’un site Web. On comptabilisait le nombre de requêtes clientes effectuées sur une page Web pour déterminer le nombre de vues. Avec l’arrivée des robots d’indexation, des proxies web, des adresses IP dynamiques et du cache, il était devenu de plus en plus difficile d’identifier les utilisateurs uniques. Vers le milieu des années 90, les techniques de tracking s’améliorent avec l’utilisation des cookies qui sont des fichiers textes stockés sur le terminal qui enregistrent les données générées lors des visites de sites Web par l’internaute.

Les sites utilisent également des marqueurs de page Web basés sur des pixels espions ou du code Javascript pour envoyer automatiquement des requêtes au serveur. Cette dernière méthode permet d’avoir des requêtes dédiées au tracking séparé du reste du trafic Internet, en particulier d’externaliser le tracking à des tiers. Avec l’émergence de contenu Web de type Ajax qui se charge dynamiquement, les marqueurs Javascript deviennent de plus en plus sophistiqués pour pouvoir capturer les interactions de l’internaute avec la page Web visitée.

Si le tracking à ses débuts, avait un objectif relativement technique de fournir des statistiques pour s’assurer de la disponibilité et de la performance d’un site Web, il revêt maintenant une dimension plus marketing avec des collectes et analyses sophistiquées du comportement des internautes dans le but de les fidéliser.

2.2. Cadre de l’étude

Les outils de tracking Web peuvent collecter plusieurs types de données pour répondre à des besoins plus ou moins poussés :

  • Mesurer la fréquentation des pages Internet (vues, visiteurs uniques, volumétrie de données…)
  • Identifier la typologie des visiteurs (géolocalisation, URL d’origine, spécifications techniques du poste client…)
  • Analyser le comportement des visiteurs (visites par session, chemin de navigation, taux de rebond…)

Le besoin de l’Administration est aujourd’hui relativement simple. Il consiste à mesurer la fréquentation des pages Internet en particulier la collecte du nombre de clics sur les liens externes.

2.3. Enjeux

2.3.1. Le tracking dans les e-mails

L’Administration souhaite faire un tracking des clics sur des liens qui sont proposés au sein des lettres d’information envoyés aux collaborateurs. Le tracking via des e-mails diffère du tracking des pages Web. En effet, une page Web lue dans un navigateur peut envoyer des requêtes automatiques au serveur grâce à l’utilisation des marqueurs mentionnés ci-dessus.

Le mail électronique est lu par un logiciel de messagerie dans un environnement statique avec parfois un affichage seulement en texte brut. Les marqueurs Web (page tags, cookies ou autre script) peuvent ne pas fonctionner correctement dans un e-mail pour tous les lecteurs.

2.3.2. Le tracking des liens externes et internes

Dans le contexte de l’Administration, le tracking classique via l’utilisation de marqueurs au sein des pages Web n’est pas envisageable. En effet pour les liens externes, cela suppose un accès administrateur à toutes les pages Web visités en amont.

Même dans le cas des liens internes, l’utilisation de ces marqueurs ne permettra pas d’identifier facilement les internautes qui ont cliqué sur le lien via la lettre d’information de ceux qui sont passés par une autre voie.

2.3.3. L’intégration de l’outil de tracking à l’infrastructure logicielle existante

Aujourd’hui les lettres d’information sont soit générées de manière automatique via des alertes e-mail ou flux RSS dans AMISoftware, outil de veille stratégique en ligne propriétaire, soit manuellement avec Dreamweaver, outil d’édition de page Web, et la liste de diffusion de Sympa. De plus la réception des e-mails sur une multitude de terminaux mobiles, PC fixes sous différents systèmes d’exploitation et avec des logiciels de messagerie et navigateurs Internet différents. La difficulté de toute solution de tracking est de pouvoir interagir avec l’ensemble de cet écosystème logiciel.

2.3.4. Les limites d’une surveillance globale du trafic Internet

On pourrait penser à recueillir les statistiques via une surveillance de l’ensemble des pages visités des collaborateurs grâce à des extensions navigateurs ou des logiciels d’analyse de trafic. Au-delà des barrières juridiques et techniques de cette solution, elle est disproportionnée vis-à-vis du besoin d’avoir des statistiques simples sur l’audience Web pour améliorer le contenu des lettres d’information. Notons également que ce type de tracking ne permettra pas de suivre les collaborateurs externes ou utilisant un réseau externe à l’Administration.

2.3.5. Synthèse des enjeux

Nous constatons dès lors que les outils de tracking classiques de type webanalytics reposant sur l’utilisation de marqueurs Web ne peuvent répondre aux besoins de l’Administration.

Il en ressort de cette analyse que l’Administration doit chercher un outil de tracking lui permettant de :

  • reconnaître le clic des liens sans intervenir sur les pages Web et sans insertion de marqueur dans les lettres d’information
  • distinguer les lecteurs qui accèdent aux sites via la lettre d’information des internautes qui naviguent sur les pages internes
  • garder un impact minimal sur l’expérience utilisateur et l’infrastructure logicielle existante compte tenu du caractère moins essentiel du tracking

2.4. Le tracking par la redirection d’URL

2.4.1. Présentation

Les outils de raccourcissement de liens (URL shortener en anglais) sont des outils de redirection d’URL qui n’ont a priori aucun rapport avec le tracking classique au sens du Web Analytics. Ils ont pour rôle de transformer des adresses URL longues en liens plus courts.

L’intérêt de ces outils est d’offrir des URL plus faciles à mémoriser, à écrire et à partager. C’est également intéressant sur Twitter et au sein des services de messagerie instantanée où il y a une limitation du nombre de caractères.

Nous allons décrire par la suite en quoi ils permettent le tracking par clic et les conséquences d’utilisation d’un tel outil. La troisième partie présentera les deux solutions open source de redirection d’URL, Lessnmore et YourLS ainsi que leurs couvertures fonctionnelles.

2.4.2. Fonctionnement

Avec un nom de domaine public, il est possible de générer des adresses URL uniques pour chacun des liens URL externes et internes selon l’exemple suivant :

url

Illustration 1 : Exemple de syntaxe des nouvelles URL

 

Notons que toute la syntaxe après le nom de domaine, dans l’exemple « /lien/xxx », est entièrement personnalisable en fonction du besoin de l’Administration. Le nom de domaine, dans l’exemple « http://www.economie.gouv.fr» l’est également du moment que l’Administration possède le nom de domaine en question.

redirection

Illustration 2 : Fonctionnement de l’outil de redirection d’URL

En cliquant sur ce nouveau lien raccourci, l’internaute est redirigé de manière transparente sur le lien d’origine. Dans le cadre du tracking, comme l’URL appelée initialement est celle du serveur où est hébergé l’outil, il est possible de collecter les données de connexion et donc d’avoir le nombre de vues.

2.4.3. Conséquences

Nous constatons que cette solution répond de manière satisfaisante aux enjeux cités ci-dessus avec quelques adaptations mineures à faire.

2.4.3.1 Lecture des lettres d’information

L’insertion d’une URL personnalisée est possible dans n’importe quel e-mail même sous format texte sans avoir besoin d’un quelconque marqueur. Le lien pourra également être ouvert depuis n’importe quel terminal client et à partir du réseau interne ou externe. Un utilisateur prudent peut cependant hésiter à cliquer sur un lien qu’il ne connaît pas. Un choix d’un nom de domaine reconnu et une communication sur l’utilisation du tracking dans les newsletters permettront de lever les doutes des lecteurs.

2.4.3.2 Analyse du tracking

La création d’une URL interne unique pour chaque lien dans la lettre d’information permettra de distinguer les lecteurs du reste des internautes qui naviguent sur les pages internes. Cependant rien n’empêche le lecteur de partager l’URL unique à des personnes externes ou de consulter plusieurs fois sur le lien ce qui augmente les statistiques du nombre de vues. Cette problématique est commune à beaucoup de méthodes de tracking et ne va pas forcément à l’encontre du but de connaître les contenus qui ont suscité le plus d’intérêt.

2.5. Autres outils de tracking envisageables

2.5.1. Les outils d’E-mail Marketing

Il existe un certain nombre d’outils de marketing e-mail qui permettent de personnaliser l’envoi et le suivi des e-mail en masse. Un certain nombre d’outils possèdent une fonctionnalité de reconnaissance de clic sur les liens. Une étude des deux outils open source de cette catégorie OpenEMM1 et Mautic2, montrent que les technologies de tracking sont les mêmes que ceux présentés ci-dessous (pixel espion et redirection d’URL). Il n’y a pas donc de différence technologique par rapport aux outils de tracking que nous avons présenté.

Nous ne retiendrons pas dans cette étude ces outils d’E-mail Marketing car leur couverture fonctionnelle est beaucoup plus large que le besoin de l’Administration. La mise en place d’un tel type outil nécessiterait de mobiliser des ressources importantes et très certainement une refonte complète du processus de création et de diffusion des lettres d’information de l’Administration, ce qui n’est pas envisagé.

2.5.2. L’approche Questionnaire de sondage

Une autre méthode pour connaître les liens qui ont suscité un intérêt est de réaliser un sondage en ligne auprès des lecteurs . Il est possible par exemple de leur demander de sélectionner parmi une liste d’articles, ceux qu’ils ont lus et aimés. Des solutions open source comme Limesurvey3 permettent de diffuser ces questionnaires et de collecter les réponses sur son propre serveur.

Ces outils ne sont cependant pas des outils de tracking à proprement parler car la mesure de la fréquentation est largement biaisée (subjectivité des réponses, non-participation de certains lecteurs…). Les questionnaires de sondage sont cependant intéressants s’ils sont utilisés en complément des statistiques de tracking des liens ouverts.

2.6. Synthèse des approches de tracking

Le tableau suivant récapitule les avantages et inconvénients des différentes approches de tracking présentées :

Marqueur Web

Redirection d’URL

Email Marketing

Questionnaire de sondage

Couverture du besoin

Non

Oui

Supérieur

Non

Impact sur les habitudes des lecteurs

Faible

Faible

Moyen

Élevé

Impact sur l’infrastructure logicielle et les processus existants

Moyen

Moyen

Élevé

Faible

Effort de développement supplémentaire

Faible

Moyen

Élevé

Faible

Nous retiendrons par la suite les outils de redirection d’URL pour le besoin de tracking, appelés également outils de raccourcissement d’URL (URL shorteners en anglais).

Références