Pénétration de l’Open Source dans les grandes organisations

Il existe peu d’études qui recensent spécifiquement l’usage de l’open source dans les grandes entreprises françaises.

Une étude de 2012 de l’OPIIEC (Observatoire Paritaire des Métiers du Numérique, de l’Ingénierie, des Etudes et du Conseil et des métiers de l’évènement)¹, a interrogé sur l’adoption de l’open source, 200 grandes organisations utilisatrices. Un tiers des répondants répond utiliser régulièrement les solutions open source pour les systèmes d’exploitation, les bases de données et les serveurs web. Notons que la majorité de ces utilisateurs le sont depuis plus de 5 ans. À côté de ces technologies, un cinquième des répondants utilisent l’open source également pour la supervision et l’orchestration, la messagerie et les langages orientés web. Enfin, les domaines qui connaissent la plus forte croissance sont le big data et le cloud qui ont été adopté dans les cinq dernières années pour la moitié des entreprises utilisatrices. Parmi les arguments avancés pour expliquer l’adoption de l’open source, les sondés citent de loin l’absence de coûts de licence suivi par l’interopérabilité, la facilité d’accès ou la disponibilité des ressources, l’indépendance technologique et la maturité technologique.

Nous allons par la suite illustrer la pénétration de l’open source par des témoignages récents des grandes structures.

L’approche pragmatique de PSA Peugeot Citroën²

Au début des années 2000, PSA a adopté de manière pragmatique les solutions open source par intérêt technico-économique. Le constructeur automobile français l’a d’abord fait avec Linux pour les codes de calcul puis pour le terminal industriel. PSA n’a pas donné suite en 2010 à une expérimentation d’un poste de travail bureautique open source, néanmoins la moitié du parc des machines virtuelles de PSA sont aujourd’hui sous Linux. L’open source fait aujourd’hui partie intégrante de la stratégie technique de PSA avec des solutions pour supporter le développement du cloud, du big data et du DevOps. L’open source a trouvé sa place dans l’environnement d’infrastructure. C’est moins le cas dans le domaine fonctionnel pour les logiciels métiers qui semblent rester à ce stade du domaine des authoring tools. PSA reste cependant à l’écoute du marché des applications open source.

L’innovation ouverte chez Airbus³

Dans le secteur aéronautique, la rapidité est un facteur clé de succès dans un contexte de cycle de développement long et d’un carnet de commande rempli. Si l’open source a fait son entrée qu’à partir de 2008 chez Airbus, le géant de l’aéronautique dispose aujourd’hui d’une infrastructure open source conséquente avec plus de la moitié de ses serveurs sous Linux. En 2015, un certain nombre de chantiers open source sont aujourd’hui lancés : la gestion du cloud avec Open Stack, l’environnement Big Data avec Hadoop, la gestion des services informatiques avec iTop et le DevOps dans l’automatisation de l’entrée en service des avions. Dans ces domaines, les solutions open source plus avancés permettent d’innover beaucoup plus rapidement. Si les intérêts économiques de l’open source sont évidents pour Airbus, l’intérêt de l’entreprise est de développer l’usage de l’open source pour sortir de la dépendance vis-à-vis des éditeurs de logiciels. Au-delà des technologies open source, Airbus veut s’imprégner des pratiques de travail plus ouvertes pour améliorer la motivation et l’efficacité des personnes. L’objectif est d’accélérer la vitesse de changement et de s’aligner aux initiatives de transformation numérique du groupe.

La gouvernance open source chez Orange⁴

Chez Orange, l’Open Source est un catalyseur pour créer de la valeur mais également de libertés (audit du code source, accès universel, indépendance technologique, interopérabilité). Il est à plusieurs niveaux : dans les infrastructures des réseaux de télécommunication, dans les systèmes d’information et dans les applications services. Depuis un certain nombre d’année, il existe chez Orange une gouvernance open source chargée de la consistance des politiques du groupe dans les 30 pays où il est implémenté pour ses 160 000 collaborateurs, les 260 millions de clients. Il existe un référent Open Source dans chaque entité d’Orange qu’il soit technique, en charge de la gestion de la propriété intellectuelle et du juridique. Il est chargé implémenter la politiques open source, d’assister et communiquer sur les projets open source, faire remonter des recommandations sur l’open source à la direction du groupe. L’ambition de la gouvernance open source du géant des télécommunications français est de promouvoir l’usage des logiciels libres dans tous les domaines, d’intégrer la contribution dans le plan stratégique du groupe, de créer des partenariats avec d’autres opérateurs et acteurs majeurs et enfin de maîtriser les risques juridiques et sur la propriété intellectuelle. Le groupe cherche aujourd’hui à aligner le dynamisme et l’agilité de l’open source aux besoins de standardisation et de stabilisation dans l’industrie des télécommunications.

Le raisonnement par zone d’usage et la communauté d’utilisateurs professionnels chez SNCF⁵

La SNCF est aujourd’hui en train de bâtir sa stratégie Open Source avec pour objectif de réduire les coûts logiciels et de maîtriser les risques liés à ses logiciels. Cette gouvernance technologique se décline tout d’abord par un raisonnement en zones d’usages (ZU) : cartographie des besoins de l’entreprise en solutions logiciels par famille et par critère, la recherche systématique des alternatives Open Source et la diminution des combinatoires qui consiste à garder un seul logiciel par ZU et une seule version par système d’exploitation (raisonnement par stack). Par la suite un schéma directeur par produit entreprise est établi par un processus collaboratif inter direction SI avec également un raisonnement par stack. Enfin, le passage à un logiciel libre dépend du caractère contraint ou non du logiciel propriétaire initial avec des stratégies appropriées : création de nouvelles applications ou migration.

Les préconisations open source faites par le DSI Groupe SNCF ont notamment concerné : les bases de données avec PostgreSQL, les serveurs d’application Java avec Wildfly (JBoss AS 7.1), l’ESB avec Apache ServiceMix, la gestion de documentaire avec Nuxeo, le SSO avec openAM. D’autres opportunités sont en cours d’étude notamment pour le transfert de fichier, l’ordonnancement et le Big Data.

Simon Clavier, en charge de la mission Open Source à la DSI Groupe de SNCF, prône en particulier la création d’une communauté d’utilisateurs professionnels open source pour partager les retours d’expérience et mutualiser les efforts. Il suggère d’avoir des projets en commun entre entreprises en mutualisant le code et de partager le développement de fonctionnalités complémentaires.

General Electrics et le cloud open source

Depuis 2011, General Electric investit dans les logiciels et l’analytique, et a développé depuis 2013 une plateforme Big Data, Predix. En 2014, GE a mis en place un « Open Source Program Office ».

En mai 2015, General Electric annonce une collaboration rapprochée avec la « Cloud Foundry Foundation »⁶, qui promeut la plateforme Open Source Cloud Foundry, pour faire rapidement monter des développeurs en compétences sur cette plateforme. Cloud Foundry a pour but de supporter les applications « Cloud » généralistes.

Dans le cadre de cette collaboration, GE s’engage en particulier à développer un « routeur TCP » Open Source pour permettre à Cloud Foundry de se connecter aux protocoles « IoT ».

GE a développé sur Cloud Foundry sa « Platform as a Service », Predix⁷, pour les besoins des industriels et engage les développeurs à enrichir cette plateforme. Cette plateforme a été annoncée et ouverte en version beta en août 2015 sous le nom de Predix Cloud.

Toutes les solutions logicielles de GE vont migrer sur Predix Cloud.