Les modèles économiques du logiciel

Logiciels propriétaires, logiciels libres, logiciels freemium : la stratégie des éditeurs de logiciels et de leur diffusion répond à des modèles respectifs complètement différents. État des lieux.

Logiciel

Généralités

Il est possible de distinguer modèles d’affaires distincts adoptés par les différents éditeurs de logiciels en fonction de la nature des licences employées pour encadrer la diffusion de leurs logiciels :

  • les éditeurs propriétaires ;
  • les éditeurs « Free / Free » (pour « libre et gratuit ») ;
  • les éditeurs « Freemium ».

Le modèle économique de l’éditeur constitue un élément fondamental de la stratégie d’acquisition d’un logiciel mais est à lui seul insuffisant.

La stratégie d’acquisition ne peut en effet faire l’économie d’une stratégie de support, impliquant une connaissance approfondie du cycle de vie du logiciel.

 

Modèle « propriétaire »

Les éditeurs « propriétaires » ont une stratégie de valorisation fondée sur l’opacité et sur une économie de rente : le code source du logiciel n’est pas diffusé, et le client paie un droit d’usage auquel s’ajoute le coût de prestations de support que seul l’éditeur peut assurer dans la mesure où l’absence de communication du code source empêche :

  • la formation de communautés pouvant éventuellement assurer un support communautaire
  • la réalisation de prestations de support et de maintenance par des sociétés concurrentes

Ce contexte permet à l’éditeur d’imposer des montées de version (souvent payantes) à ses clients en arrêtant purement et simplement de supporter ou de corriger les failles de sécurité des versions antérieures, les correctifs n’étant produits que sur la dernière version du produit (dans l’immense majorité des cas).

Généralement, les éditeurs propriétaires adoptent une stratégie d’appel par des propositions particulièrement avantageuses et des remises importantes lors d’une première acquisition. Une fois le logiciel acquis, le contexte de fermeture du code impose cependant une dépendance technologique forte du client, se traduisant par la mauvaise connaissance par ce dernier de son propre Système d’Informations.

Cette situation offre à l’éditeur une marge de manœuvre importante sur les conditions d’usage et sur les prix, qui sont revus quasi-systématiquement à la hausse à l’occasion des renouvellements de marchés.

Exemple de produits concernés : Oracle, Informix, DB2, BEA Weblogic.

 

Modèle freemium / opencore

Un modèle Freemium ou OpenCore est un modèle économique associant une offre gratuite, en libre accès (free), et une offre « Premium », haut de gamme, en accès payant.

En synthèse, ce modèle respecte la définition Open Source à savoir tout ou partie du code source est disponible mais les fonctionnalités « entreprises » sont payantes. Ce modèle se développe le plus souvent autour du modèle de double licence (dual licencing)

  • Le “core” est le cœur du logiciel. Il est sous licence GPL. Mais si l’on encapsule ou embarque ce cœur dans un programme fermé, il est nécessaire d’acquérir une licence commerciale ;
  • Le support technique pour le logiciel GPL peut être payant ;
  • Les abonnements commerciaux annuels peuvent inclure : support technique, licences d’utilisation sur des fonctions additionnelles (le code source de ces fonctions additionnelles peut être ouvert ou fermé). Selon les éditeurs, les fonctionnalités sous code fermé pourront être libérées au bout d’un certain temps (ex: changement de version majeure) ;
  • Les services d’intégration et de formation sont payants.

Note : ce modèle pose problème principalement sur 2 points :

  1. Il ne favorise pas la mise en place d’une communauté de développeurs actifs autour du logiciel : la solution est vulnérable car l’éditeur peut être racheté par un concurrent et les développeurs retirés du projet (Exemple : MySQL).
  2. Le « core » peut s’appauvrir en fonction de la stratégie de développement de l’éditeur, l’utilisateur se voit contraint de souscrire à l’offre Premium (Exemple : Alfresco).

Pour ce type de logiciels, les montées de versions sont également imposées par le non support d’une version antérieure du logiciel ou la non correction des failles de sécurité. Les correctifs sont majoritairement produits sur la dernière version du produit.

Exemple de produits concernés :

  • Red Hat Enterprise Linux (RHEL) : le code source complet de la distribution Linux est disponible sous la forme de paquet source RPM. Pour disposer des binaires des mises à jour binaires (correctifs, sécurité), il est nécessaire de souscrire à l’offre commerciale et payante Red Hat.
  • MySQL : les versions Open Source et commerciale disposent des mêmes fonctionnalités. Dans le cas où l’on souhaite embarquer le système de gestion de bases de données dans un logiciel à code fermé, il est nécessaire d’utiliser la version commerciale de la solution.

La solution de travail collaborative Zimbra ou le CRM SugarCRM sont distribuées sous deux types de licence : Open Source et commerciale. Les versions commerciales dont le code source n’est pas disponible, intègrent des fonctionnalités supplémentaires.

Modèle  » free free » ou libre et gratuit

Dans le modèle économique d’édition logiciel « Free Free » ou encore « libre et gratuit » :

  • Le code est ouvert, disponible et communautaire ;
  • Le droit d’usage du logiciel est gratuit ;
  • Le support logiciel est majoritairement assurée par une communauté de développeur ou la société éditrice dans le cas où le logiciel n’est pas purement communautaire ;
  • Les services d’intégration et de formation sont disponibles auprès de prestataires spécialisés (Société de Services en Logiciels Libres) ou de la société éditrice ;

Ces éditeurs font reposer leur modèle économique sur le service ou le support.

Le choix de logiciels libres ouverts (modèle « free free » ou libre & gratuit) permet notamment, dans le cas de contrats de support à engagement de moyens, de limiter des migrations imposées vers les dernières versions des logiciels et de s’appuyer sur des modèles et formats de données standards.

Ce choix offre une plus grande maîtrise sur la gestion du cycle de vie des différentes parties de son système d’information, apportant par là-même une plus grande pérennité à l’ensemble, aussi bien en termes d’applications que de données.

Modèles économiques open source

Illustration 1. Synthèse des modèles économiques des logiciels

 

Conclusions

Les solutions libres n’offrent pas toujours la garantie d’être des solutions à l’état de l’art et peuvent, tout comme une solution propriétaire, périclité. Cela implique de prendre en compte certains critères spécifiques tels que le dynamisme de la communauté ou la qualité du code, afin de s’assurer au mieux de la longue vie du logiciel visé, ou au moins de sa reprise par les équipes internes dans le cas où la communauté se disperserait. La démarche reste néanmoins fondamentalement similaire à celle du choix d’un logiciel propriétaire où l’on s’assure de la solidité économique de l’éditeur.

Dans le cas où le produit devient obsolète (le plus souvent au profit d’une solution plus innovante, plus mature…), il peut s’avérer nécessaire de procéder à la migration de la solution. Le processus d’obsolescence est généralement lent et l’utilisateur de la solution a le temps de se retourner pour organiser la migration.

Si une difficulté survient pour un logiciel Open Source Free Free (défaillance de l’éditeur, divergences de vue sur l’orientation du produit…), il est toujours possible pour une communauté de développeurs et/ou d’utilisateurs de continuer à faire évoluer le produit : reprise du projet ou fork du projet.

La maturité, la significativité de références en terme de déploiement, le dynamisme de la communauté et du projet sont généralement des critères de pérennité relativement simples à évaluer, et un logiciel libre leader sur son secteur offre de meilleures garanties de pérennité que des solutions propriétaires à taux d’adoption équivalent.

De ces modèles découlent des modalités de support différentes. Il est donc indispensable de choisir le bon acteur en fonction de sa stratégie produit.